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Crépusculaire Forza del destino de Verdi au Zénith de Toulon en ouverture de saison ! par Serge Alexandre

En co-production avec Parma et Montpellier, l’opéra maudit de Verdi était proposé pour deux représentations les 18 et 20 octobre au Zénith, l’opéra subissant d’importants travaux jusqu’au moins en 2026.


La force du destin @ Fred Stephan
La force du destin @ Fred Stephan
Pour se faire les représentations requièrent une sonorisation basée sur une soixantaine de micros, véritable défi technique réussi hormis de petits incidents à l’acte 3 et au début du 4. Le son reste lisse et policé et confère aux voix une largeur artificielle. La flamboyante et lugubre Forza del destino composée en 1862 pour Saint-Pétersbourg est ici présentée dans sa version révisée de 1869. Cela faisait plus de 20 ans que ce chef d’œuvre verdien était absent de la scène toulonnaise.

L’histoire

Cet ouvrage sur un livret de Francesco Maria Piave est une captivante fresque à la fois épique et intimiste relatant l’histoire d’une passion déchirante entre deux amants Don Alvaro, métis péruvien et Leonora, contraints de fuir, poursuivis par la malédiction et une obsession de vengeance par le frère de Leonora qui sera fatale.
On est dans une intrigue aux dimensions shakespeariennes. Mélodrame à tiroirs oscillant entre tragédie et bouffe difficile à narrer, la Forza del destino trouve sa cohérence dans sa splendeur musicale. Elle contient certaines des plus pages de Verdi.

Une mise en scène soignée et vintage

La production de Yannis Kokkos a le mérite de défendre l’œuvre telle qu’elle est.
La scénographie épouse parfaitement l’immense scène proposée par le Zénith. Il livre une vision classique de l’ouvrage à l’esthétique sombre et vintage. Le Jeu des personnages est parfaitement maîtrisé accompagné de plusieurs mouvements de chœurs particulièrement efficaces. Saluons le travail de Stephan Grögler réalisant la mise en scène. On aime certaines références visuelles flamboyantes à James Ensor pour dénoncer l’horreur de la guerre et la dimension cauchemardesque de l’ouvrage. Giuseppe Di Loro aux lumières et Sergio Vitalli aux vidéos donnent vie et sens au décor dépouillé fait de quelques panneaux mobiles. Ils nous plongent dans des ciels tourmentés. Les costumes soignés de Paola Mariani retiennent l’attention et contribuent à la réussite du projet. On retiendra la chorégraphie efficace de Marta Bellavicqua.

Une distribution homogène transcendée par la direction du chef d’orchestre

L’ouvrage requiert une distribution des plus exigeantes. Remplaçant in extremis, le ténor Konstantine Kipiani en Don Alvaro, Samuele Simoncini relève le défi d’incarner le personnage. Il a les moyens vocaux et la technique pour donner toute la dimension tragique et émouvante à Alvaro. En l’écoutant, on songe à Veranno Luchetti par la qualité de ses aigus.
À ses côtés, la soprano mexicaine Yunuet Laguna est une Leonora fragile et tendre, presque adolescente par instant, portée par un chant magnifiquement nuancé. Elle est par contre capable du dramatisme intense lorsque la partition le demande. La soprano garde le meilleur pour la fin avec des sauts d’intervalles d’une invraisemblable pureté dans son ultime prière « Pace, pace moi dio ». Elle est totalement bouleversante !
Stefano Méo offre une belle leçon de chant à Don Carlo di Vargas. Le phrasé demeure impeccable et offre une  «  Urna fatale » de grande classe.
Autour de ce trio, on retiendra le Fra Melitone à la voix saine de Leon Kim. Son incarnation jubilatoire du moine bougon, râleur est une des belles surprises sur scène. La Preziosilla d’Eleonore Pancrazzi suscite l’enthousiasme. L’incarnation est vive et enjouée. Ses aigus sont rayonnants. Vazgen Gazaryan offre la stature de sa basse à l’austère Padre Guardiano. Yoann Le Lan est un Trabuco qui retient l’attention. Il est une des révélations vocales de cette distribution. On espère l’entendre à l’avenir dans des rôles plus conséquents. Enfin la basse Jacques-Greg Belobo campe un Marquis de Calatrava au jeu empathique et au timbre franc. Pour être complet, on peut citer la mezzo-soprano Séraphine Cotrez sans reproche en Curra.

Pour sa prise de fonction Victorien Vanoosten émerveille à la tête des forces de Toulon. Il se joue de toutes les difficultés d’une représentation hors mur. Le thème du destin est percutant. Les cuivres sonnent au mieux et rayonnent, la clarinette envoûte, le violon solo séduit… Il impose une lecture puissante et précise de l’œuvre.
Chœurs de Toulon et Montpellier sous sa direction font preuve de force, rigueur, précision et implication dans le drame.
Le public applaudit chaleureusement un spectacle qui restera dans les mémoires.
Serge Alexandre

Serge Alexandre
Mis en ligne le Mardi 22 Octobre 2024 à 16:36 | Lu 214 fois

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